Jean-Claude Milner

Détections fictives

Détections fictives

Toute fiction déploie, en la repliant, une théorie du représentable. Aux temps de la science positive, ce représentable, dont la somme intégrale est la réalité, articule, par une connexion constante, l’identité singulière d’une chose à la liste de ses propriétés. Là réside le principe de toute détection : assurer le retour de la chose absente, en parcourant le monde des propriétés disponibles. Mais il faut pour cela que le sujet ait secrètement incisé la connexion, construisant une chose vide, dont il ignore les propriétés, et des propriétés flottantes qui ne se rapportent plus à aucune chose certaine. De cette incision, incessamment ouverte et refermée, on dirait volontiers qu’elle constitue la fiction en elle-même.

Dans l’univers de la science positive, toute fiction est alors détective, et, réciproquement, toute détection est fictive. Qu’on ajoute seulement l’axiome des lettres modernes : « N’importe quoi peut et doit donner l’occasion d’une fiction », et l’on obtiendra le théorème ironique : « N’importe quoi peut et doit donner l’occasion d’une détection ». Sinon que, par nonchalance, on s’en tient à ce qui fait énigme – conte à secret, fragment oublié de l’antique, grimoire carnavalesque. Mais, on le sait, l’énigme n’existe pas hors du geste qui la pointe, si ce geste lui-même est fictif.

Jean-Claude Milner

format

Papier

pagination

112 pages

date de parution

01/11/1985

isbn

9782020089753

prix

9 €

disponibilité

Numérique